De l’un de nos envoyés spéciaux.
Clermont-Ferrand, la capitale de l’Auvergne verte, compte parmi ses élus municipaux un seul conseiller municipal écologiste, Jean-Michel Duclos, 40 ans. Aide-garagiste dans le vieux Clermont, il a été élu sur la liste pour L’Autogestion, le social, l’écologie résolument (LASER).
Lors du fameux conseil municipal du jeudi 11 avril, Jean-Michel Duclos a interpellé François Michelin en des termes clairs et nets : « Il y a 15 ans vous étiez, monsieur, le sixième ou le septième producteur de pneus dans le monde et vous employiez dans notre ville 30.000 salariés. Aujourd’hui vous êtes incontestablement le premier, mais vous n’employez que 18.000 personnes dans vos usines. Vous nous expliquez ce paradoxe par la crise conjoncturelle, mais vous ne dites pas grand chose sur le rachat de la marque Uniroyal qui vous a tant coûté. »
Ce n’est pas le seul reproche que l’élu écologiste fait au grand industriel. « Vous savez, nous dit-il, M. Michelin ne rachète pas seulement le grand groupe pour accaparer le marché mondial. Il crée aussi des usines dans les pays sous-développés bénéficiant ainsi d’une main-d’oeuvre bon marché. L’exemple du Brésil est significatif. Les salariés Michelin dans ce grand pays d’Amérique latine n’ont pratiquement pas de congés. Leurs conditions de vie et de travail ressemblent beaucoup à celles que subissaient nos salariés ici à Clermont dans les années 30. De toute évidence, ce patron aimerait bien imposer ce modèle en France. Mais aujourd’hui les Bibs, soutenus par toute une population, lui résistent farouchement », souligne-t-il.
Comme des millions de Français, Jean-Michel Duclos est déçu de la non-tenue des promesses de la gauche (du parti socialiste... NDLR) qui « n’a pas pu libérer économiquement et socialement les travailleurs. » « Prenez l’exemple des conditions de travail chez Michelin, dit-il. « Malgré les fantastiques progrès technologiques de ces dernières années, la direction oblige toujours les salariés à travailler 48 h 30 hebdomadairement. Sur le plan national, la perversité du système se traduit par plus de trois millions et demi de chômeurs. » Et de préciser : « Ces trois millions et demi de gens sans travail achètent de moins en moins, souvent le minimum vital, parce qu’ils n’ont pas d’argent. Pourtant, les dirigeants de cette société nous rebattent tous les jours les oreilles avec les pléthores de biens de consommation que l’on peut trouver dans un pays à économie libérale. C’est du pur surréalisme dans son expression triviale. »
Concernant le cadeaux d’un milliard quatre cent millions de francs que le gouvernement s’apprête à accorder à Michelin pour casser l’emploi, l’élu écologiste, comme la quasi totalité des gens d’ici, nourrit les plus grandes réserves. « Un impératif de l’autogestion à laquelle nous croyons et pour laquelle nous luttons est le contrôle par le peuple, par les travailleurs, de l’argent public. Cela, conjugué avec la répartition des richesses produites par l’ensemble des salariés peut ouvrir la voie à une société plus juste, plus humaine », conclut-il.
Propos recueillis par Michel Mavro. L'humanité, 18 avril 1991
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